Revendications sur la loi MACRON

Revendications sur la loi MACRON

L’Assemblée Nationale va examiner en séance publique, à compter du lundi 26 janvier prochain, le projet de loi « croissance et activité » présenté par Monsieur Emmanuel MACRON. Un des volets principaux de ce projet concerne la réforme des professions juridiques règlementées et notamment celle du notariat.
Il m’apparaît souhaitable de vous informer des raisons qui justifient l’opposition ferme de notre profession à ce projet, dans la mesure où notre position a été souvent caricaturée et qu’elle mérite une clarification. 

En premier lieu, nous constatons que la réforme a été réalisée sans qu’aucune étude d’impact n’ait traité sérieusement de la question pourtant fondamentale des missions des professions juridiques règlementées dans la société d’aujourd’hui. Le notariat, comme 37 professions réglementées, a été stigmatisé sur la base d’un rapport partial de 2012 de l’Inspection Générale des Finances, dont nous avons pourtant immédiatement mis en cause à la fois les analyses et les conclusions.

En dépit de travaux constructifs de parlementaires, dont les conclusions n’ont pas été retenues par Monsieur MACRON, et en l’absence de la Garde des Sceaux, pourtant Ministre en charge des professions juridiques, lors des débats en commission, le projet de loi nous semble actuellement toujours comporter de graves dangers pour l’avenir du notariat, mais, au-delà de notre profession, pour l’intérêt de la société.

Loin de s’opposer à une adaptation que nous avons dans le passé toujours acceptée, nous estimons que trois dangers essentiels se présentent :

-       Intégrer dans une logique commerciale un tarif qui avait jusqu’à présent d’abord une fonction redistributive et de service public entraînera inévitablement une dégradation rapide et très dommageable de notre service. Nous sommes appelés à faire varier notre tarif dans des conditions que nous ne maîtriserons pas, et nous ne pourrons de ce fait que réduire la qualité des prestations que nous effectuons actuellement. La garantie collective du notariat et la solidarité qui liait les notaires avant cette réforme ne pourront subsister.

-       Le second danger est de déstabiliser une profession qui se distingue d’abord par sa discipline et la qualité de son organisation. Nous ne pourrons plus être aussi efficaces avec une multiplication de structures qui seront très vite fragilisées et ne disposeront pas des moyens pour apporter une garantie à nos clients. Les conditions d’installation doivent toujours être contrôlées par l’Autorité judiciaire et par les instances de la profession. L’Autorité de la concurrence, consacrée dans le projet MACRON comme tutelle du notariat, ne saurait détenir en ce domaine qu’une position consultative. La multiplication des offices de notaires diluera le contrôle par l’Autorité Judiciaire des règles déontologiques et comptables alors qu’il est essentiel en raison du flux considérable des capitaux transitant par les offices notariaux (600 milliards d’euros par an).

-       Enfin, les pouvoirs publics veulent, au nom d’une fausse modernité, créer des formes d’exercice interprofessionnelles ouvrant le capital des offices de notaires à d’autres professions du droit et du chiffre et permettant une pluralité d’exercice. Les offices publics de notaires doivent conserver leur indépendance. Notre déontologie d’officiers publics ne peut en effet se manifester au bénéfice de nos clients comme de l’Etat que sous cette condition. Mettre en place des structures interprofessionnelles avec les avocats ou les experts comptables, qui ne disposent pas des mêmes règles d’intervention et de déontologie, nous apparaît particulièrement contestable alors qu’aucune étude d’impact n’a été réalisée en ce sens.

C’est pourquoi, nous continuons à manifester notre opposition à une réforme qui resterait en l’état et nous avons présenté des propositions constructives pour une vraie modernisation de notre profession.

Des dizaines de milliers d’emplois sont à brève échéance en cause dans le notariat. Au-delà, c’est la sécurité juridique de nos concitoyens qui est menacée.


Publié le :

Milan KUNDERA

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